Pariétales

Dernier jour en Dordogne

 

 

Dernier jour en Dordogne : les lauriers roses face au ciel gris, l’air très doux, les rares abois, les plaintes des tourterelles… Soudain on entend une exhalaison de dragon et, s’élevant à contre-jour au-dessus des arbres flous et des falaises gris sombre comme des bulles de savon colorées, une, deux, trois montgolfières s’élèvent, dérivent et bientôt disparaissent.

Silence peuplé de cris de coqs, de souffles, de craquements.

Sur la table demeurent les lettres d’Augiéras et les ouvrages de Jean-Paul Jouary (Préhistoire de la beauté, Le futur antérieur), dont j’ai tant apprécié le travail de supervision de l’ultime salle de Lascaux IV – celle qui, mettant en rapport art moderne et art pariétal, donne véritablement sens à l’ensemble de cette époustouflante entreprise.

Ainsi le retour aux grottes aura-t-il été une fois encore salutaire, réveillant le désir de vivre et délivrant ses messages multiples – chaque grotte le sien : Font-de-Gaume, une leçon de courage pour l’accueil des fantômes polychromes dans le noir, dans l’étroit, dans le froid, et les Combarelles complétant par la tendresse et la fertilité affirmées même et surtout quand, pauvre renne assoiffé, on ne peut plus laper qu’une illusion de source ; Lascaux, l’assurance constante et flamboyante de la beauté du mouvement, et que tout danse et partout se mêle : la ronde de la salle des Taureaux, le méli-mélo des gravures de la rotonde, les bisons adossés, les cerfs traversant, la descente au puits, la remontée en oiseau et en flèche ; Bernifal, sa leçon de détachement et d’oubli sous la calcite et les années qui gagnent ; Pech-Merle une leçon de signes salutaires pour reprendre possession de soi-même et du monde ; Domme, sa leçon d’ « occupation » ; Cap-Blanc et l’abri du Poisson, leurs leçons de métamorphose.

Un bon vent tiède souffle sur ce monde sauvage que les enfants parcourent du pas sûr des premiers chasseurs, des jeunes cueilleurs, qu’ils sont restés.

Un bon vent tiède souffle le long de la colline, défaisant les nuages, et le soleil nous dore, nous tanne, nous étonne.

Un bon vent tiède souffle ce jour-là en Dordogne, qui dévie les flèches, imposant sans vouloir une autre trajectoire, et réclamant une vie en flèche.

Dans ce bon vent tiède je ne tremble pas. Spontanément je lève le nez pour humer, pour respirer.

Corps maigres, têtes baissées, inerte, comme morte, l’armée des tournesols a frémi, s’est redressée : tout était prêt pour un nouveau départ.

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