Poétique des situations (Les Combarelles)
De plus en plus seul au fond du boyau, rampant, même debout, et mon dieu qu’il fait froid…
Le renne depuis quinze-mille ans lape l’eau absente. L’ours fait le dos rond, comme dédaignant la source imaginaire. La lionne ne dévore personne.
On avance dans un rêve, cerné par les ombres, en bonne entente avec elles, mais seul, bien seul, et rampant.
À pas prudents on descend un autre boyau.
De plus en plus seul
au fond du boyau froid,
de plus en plus froid.
On ne rampe pas,
on devrait, on pourrait.
À mesure qu’on avance
les fantômes
viennent à notre rencontre :
tous ceux et toutes celles
qui nous accompagnèrent
et qui ne sont plus.
Les formes ne naissent pas que de la pierre
qui déjà les suppose
mais de l’art et de l’homme
qui pénètre en ce lieu
avec des idées de forme.
Le feu
le manque d’oxygène
la solitude
l’obscurité
la reptation
aiguisent l’attention
et favorisent la rencontre
entre l’homme, la pierre et
le bison, la lionne, le rhinocéros
— rêves bien réels.
Ainsi cette poétique des situations
s’appuie-t-elle sur ce qui est
donné par le lieu, l’instant, l’idée
sans s’y laisser enfermer.
Dans cette figuration intime et immense
le geste et le lieu
comptent plus que la réalisation
cette crypte-atelier mêle ainsi
esquisses et chef d’œuvre
le maître n’était pas seul
à venir dans le boyau
des enfants ont joué là
on relève bien des tracés
inachevés, maladroits
enchevêtrés aux plus nobles figures
comme une manière de désigner
non la perfection de l’artiste
mais le chemin qui aurait pu conduire
vers l’impensable
vers l’’impossible
perfection de l’homme.