Pariétales

 

Le premier temple (Grotte de Villars)

 

 

Soudain l’incapacité même en laquelle on se trouve le plus souvent d’accueillir le sacré autrement que par des mises en scène, cède. On s’incline, on ralentit, et l’on murmure :

Le lent travail de la pierre et de l’eau

le retrait

l’obscurité

le silence premier

la première goutte ici tremble encore

voici les colonnes

du premier temple.

Quelqu’un prononce doucement :

le travail du temps…

tous ces millions d’années !…

avec un peu d’écho dans la voix.

Tous ces millions d’années

ces arêtes ces coquillages

ces vaisseaux fantômes

ces forêts noires prises dans la neige

ces falaises ces éperons

ces draperies ces grandes orgues

ces os brisés ces viscères

accrochés au ciel obscur

des galaxies intérieures !

Le bébé, comme rentré

dans le ventre de sa naissance,

ne réclame plus sa maman.

Dans la « salle des cierges »

on comprend l’origine

des offrandes de lumière.

« On est dans la gueule du géant ? »

et de fait, on a beau dire

on y est.

Puis voici ces signes

tracés par nos frères d’il y a dix-sept mille ans

frères humains si conscients déjà

de la grande séparation

inscrite en la pierre

pour mémoire, affirmation,

ou réparation ?

Salut petit cheval bleu

d’avant la domestication

encor là pour cent mille ans !

Camouflée sous la calcite

l’ébauche d’une corne −

salut, bouquetin !

Et salut l’homme debout

aux bras courts et larges

tendus vers le ciel.

 

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