Vigie, juillet 2012

 

 

 

 

ÉLOGE DE LA VILLE EN ÉTÉ

 

  

Marche lente au long des rues, ce soir d’été où les petits théâtres des fenêtres ont ouvert leurs rideaux et livrent au regard de furtives saynètes d’ombres, ou bien une nature morte si nette, si émouvante, si lumineuse (et l’on songe à Hopper) qu’il vient l’envie de s’arrêter tous les trois pas.

 

Marche à la lueur des réverbères, en bas de ces façades qui sont des falaises peuplées d’oiseaux muets comme des livres. Les lunes nous regardent passer, tandis que l’enfant poursuit en riant entre leurs cercles blancs un avion de papier (son rire se répercute contre les murs).

 

Tant de raffinement bouleverse, et l’on regarde un peu ébahi les vitrines encore illuminées des librairies, des marchands de thé ou de chapeaux, des restaurants. Attablés longuement on devise, et un couple assis tout près devise aussi qui fait ici même connaissance – avec l’inquiétude, la fébrilité rentrée qu’on devine dans chacun de leurs gestes.

 

Marche dans la vieille ville de notre enfance, paraît-il, où les façades bariolées ou décrépites nous regardent sans hauteur. Un homme ivre disparaît par une porte qu’il ouvre à grand peine, un quidam éméché jure avec violence qu’on ne l’y reprendra plus. Les passants se font rare et l’on a soudain toute la place pour soi – un sentiment d’espace ainsi que celui plus rare, et toujours fugace, d’être ce soir à sa place.

 

En cette nuit d’été on célèbre sans réserve cette extrême douceur de la ville en été.

 

Chambéry, 17 juillet 2012 

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