LITURGIE NOCTURNE
1.
Puis soudain la nuit résonne
d’une étrange liturgie
oraison secrète qui monte
en la crypte du cœur
en l’autel du lit
en la chapelle de la chambre
en l’église de la maison
et se mêle aux bruits du monde.
2.
Les villages dorment
la lampe et les lucioles luisent
dans les pupilles de la hulotte
dont le vol feutré effleure
les dormeurs abandonnés
au monde mouvant qui les porte
(et l’on est pris soi-même
d’un très doux vertige).
3.
Qui chante à cette heure ?
qui s’est levé ?
qui tient la lampe allumée et chante ?
4.
À flanc de falaise
ayant quitté la
cellule du sommeil
que frappait le vent
suis sorti me suis hissé
nuage invisible je
passe
le long du disque invisible
de la nouvelle lune
guettant les lueurs
guettant — sentez-vous dans vos songes
à quel point quelqu’un vous guette
entendez-vous le murmure
de celui-là qui vous guette
qui vous veille et qui vous parle
depuis les falaises ?
5.
Pour ces corps chauds qui reposent
dans le creux des lits
pour ces enfants qui feront
se relever bientôt le soleil
pour la chanson des grillons
en ces nuits d’été
pour la course épique de la
Terre qui bascule
pour ce geste naturel
de tendre la main
à qui tend la main
pour l’instant où le mourant
entrevoit le jour
constate qu’il est en vie
et naïvement se réjouit —
il nous faut chanter merci.
24-26 juillet 2012