Vigie, juillet 2012

 

 

 

 

PAROLES DE CHARTREUX

 

 

Ce que la solitude et le silence apportent d’utilité et de divine jouissance à ceux qui les aiment, ceux-là seuls le savent qui en ont fait l’expérience. Là on s’efforce d’acquérir cet œil dont le clair regard blesse d’amour et dont la pureté donne à voir…

Saint-Bruno

 

 

1.

 

« Dans le silence et le retrait

s’est dévoilée

mon humanité

je suis

l’humanité

qui s’est libérée des entraves

et tout entière tournée 

vers le ciel (l’essentiel)

mais les pieds très bien ancrés, encore

je t’assure ! 

 

 

2.

 

« Les touristes, les passants

restent perplexes devant nos murs

qui protègent ainsi

notre humanité obstinée à porter vers les cimes

ses mots les plus secrets

ses paroles d’amour chantées là par personne

pour personne.

 

 

3.

 

« Horaires et rythme des temps liturgiques changent avec les saisons, mais notre emploi du temps varie peu. On célèbre en cellule les mâtines à 23h30. À minuit et quart on se rend à l’église où la communauté chante mâtines et laudes (la nuit est l’écrin de notre recueillement). Vers 2h30 on revient en cellule pour les laudes de la Vierge et un temps de sommeil. À 7 heures c’est l’office de prime, puis un temps de lecture et l’office de terce jusqu’à 8h45. La messe conventuelle est chantée à voix nues. De 10h45 à 16h15 c’est l’office de sexte, puis l’étude. Le repas est servi en cellule, on jeûne fréquemment, on ne mange pas de bêtes, on se détend chacun dans son petit jardin si le temps le permet (notre cellule est une maisonnette à deux étages avec établi et jardin), puis on récite none, on chante les vêpres à l’église et l’on rentre en cellule pour un temps d’oraison. À 18h15 c’est l’office des complies, la prière du soir.

 

4.

 

« Toi, avec ta prose, tes pauvres vers et ton peu de foi en la Foi, tu peux toujours te dire que n’est plus perpétuée ici qu’une sorte d’illusion, et qu’il est désormais impossible d’atteindre au Vaste en rejouant telle quelle une partition de dix siècles. Tu sens pourtant que le jour où ces murs ne résonneront plus de nos prières, où nos chants se tairont pour de bon, la possibilité même d’une harmonie entre l’homme et le monde s’en trouvera encore un peu plus ébranlée.

 

 

5.

 

« Séparés de tous

nous sommes unis à tous

car c’est au nom de tous que nous nous tenons 

en présence du Dieu vivant »

 

 

6.

 

De la cellule en se hissant 

on pourrait voir cette gerbe 

de fleurs ou de mots

devant les hauts murs, ici même, 

déposée.

 

 

Au monastère de la Grande Chartreuse, 16 juillet 2012 

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